Malgré des droits acquis importants, les Autochtones vivent toujours dans des conditions précaires. Alors que jadis le territoire canadien était peuplé par les Autochtones, aujourd’hui cette population ne représente que 4,3 % de la population canadienne (Canada, 2015). Nettement plus jeunes que la population canadienne en générale (âge médian de 28 ans, contre 45 ans pour les Canadiens), les Autochtones demeurent moins scolarisés (48 % seulement décrochent des titres postsecondaires contre 65 % et 29 % d’entre eux n’obtiennent jamais de diplôme contre 12 %) et ils sont beaucoup moins nombreux à détenir un emploi (62 % chez les 25 à 64 ans, contre 76,2 % pour la même tranche d’âge dans la population canadienne). De plus, leur revenu médian est beaucoup plus bas que la population canadienne en général (20 060 $, contre 27 600 $). À cet égard, en 2011, 22 % des Autochtones vivaient dans des ménages ayant connu l’insécurité alimentaire contre 7 % pour la population canadienne en général (Canada, 2015). Enfin, bien que plusieurs communautés occupent des territoires dont elles pourraient tirer des bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles, ces activités demeurent très peu lucratives, parce qu’elles ne sont toujours pas bien développées ou parce que les Autochtones n’en tirent pas tous les bénéfices.
La politique autochtone du Canada a beaucoup évolué depuis l’adoption de la Loi sur les Indiens en 1876. Si pendant longtemps cette politique consistait essentiellement à assimiler les Autochtones et à spolier leurs terres, celle-ci a pris un virage résolument favorable aux Premières nations en axant les programmes gouvernementaux sur le principe de l’autonomie gouvernementale autochtone approximativement de 1975 à 2005. En effet, à la suite de l’élection du parti conservateur à la tête du gouvernement canadien, la politique autochtone a été témoin de plusieurs réformes fondées sur un nouveau paradigme s’articulant autour des principes de reddition de compte et de développement économique. Pour justifier de telles réformes, le gouvernement conservateur semble avoir adopté un discours dans lequel il se représente comme les alliés des Autochtones, et ce, malgré les critiques qui lui sont adressées à la fois par les partis de l’opposition à la Chambre des communes et par de nombreuses organisations autochtones.
Le texte qui suit propose une étude des réformes conservatrices de la politique autochtone du Canada. Après une brève présentation du contexte des réformes en matière de politique autochtone au Canada, nous poserons plus précisément notre problématique et notre question de recherche. Par la suite, nous proposerons de marier deux ensembles théoriques, le cohérentisme et le jeu du blâme, qui nous permettront d’analyser nos données colligées selon une approche de mesure de la cohérence que nous appelons l’approche relationnelle. Bien que nous appliquions cette nouvelle approche à l’analyse de la politique autochtone au Canada, nous tenons à souligner que celle-ci a déjà été utilisée dans l’analyse des politiques de saines habitudes de vie au Québec (Savard, 2015) et que d’autres analyses fondées sur cette méthode sont en cours notamment dans le domaine de la gouvernance des jeux de hasard, dans le domaine de la lutte à l’insécurité alimentaire et dans le domaine du développement rural. De plus, dans une perspective où nous cherchons à mieux comprendre l’effet des règles institutionnelles sur la gestion de la mise en œuvre des politiques publiques, nous effectuons actuellement une analyse fondée sur cette méthode dans le domaine de la politique environnementale canadienne.
Aux termes de cet article, nous verrons que non seulement le gouvernement fédéral conservateur a justifié ses réformes de la politique autochtone dans un discours relativement cohérent, mais que ce discours relève d’une double stratégie du jeu du blâme. Ces constats nous mèneront également à tirer des conclusions sur l’utilité du jeu du blâme et du cohérentisme pour analyser les réformes de la politique autochtone au Canada.
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